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Thé et céramique chinoise
Historiquement et culturellement le thé et la céramique sont étroitement associés. En témoigne la grande diversité de tasses et de théières qui accompagnent la consommation de thé dans le monde. Bruits de Palais dans cet article vous invite plus particulièrement à mieux connaître la céramique chinoise et ses spécificités.
- Article extrait du magazine Bruits de Palais 51 - page 5 -
Premier des Arts du Feu à apparaître (avant la métallurgie et le travail du verre), la céramique demeure difficile à dater précisément. Elle est probablement née en Chine du Sud entre le IIIe et le IIe millénaire av. J.-C. Elle désigne les objets en terre ayant subi une transformation irréversible lors d’une cuisson à température plus ou moins élevée. Classiquement, trois grandes familles de céramiques sont distinguées.
La terre cuite est obtenue à partir d'argiles auxquelles ont été mêlés du sable et de la potasse ; cette dernière, issue de cendres, joue le rôle de fondant et permet d'abaisser la température de fusion de la céramique. La température de cuisson des objets en terre cuite est ainsi relativement basse et se situe entre 600 à 800°C. Plus le pourcentage d’argile est important, plus la terre cuite est dure. En revanche, elle a tendance à rétrécir, à se déformer et à se fendiller au séchage et à la cuisson.
Le grès est une céramique généralement plus dure que la terre cuite, toujours issue d’argiles, mais vitrifiées à très haute température (1 200 à 1 300°C) et auxquelles ont été ajoutées des matières minérales (feldspath) pour permettre cette vitrification. Les grès les plus célèbres dans l’univers du thé sont les grès de Yi Xing.
La porcelaine n’est pas une variété d’argile naturelle mais une famille de grès associant kaolin, feldspath et le sable. Le kaolin est une sorte d'argile, blanche et friable, dont la source la plus connue est la colline de Gaoling, au nord de Jingdezhen, en Chine, et dont il tire d’ailleurs son nom. La porcelaine permet d'obtenir des objets aux parois très fines et translucides. Les porcelaines les plus translucides sont cuites entre 1 200°C et 1 400°C, mais certaines, qui contiennent plus de kaolin et moins de fondant, ont besoin d'une température de cuisson plus élevée.
Ces trois types de céramiques peuvent être recouverts de différentes manières.
La glaçure, appelée aussi émail, est une matière vitrifiable qui enrobe la poterie pour la rendre plus dure, imperméable et apte à recevoir un décor. De nombreuses glaçures sont fabriquées à partir d’un mélange de silice et de plomb, mélange dans lequel celui-ci agit comme fondant dès 900°C, ce qui permet un émaillage dit « à basse température ». Pour les objets destinés à l’alimentation, et en premier lieu pour les tasses à thé, les glaçures sont faites sans plomb, avec des substituts feldspathiques, à bien plus haute température (1 200 – 1 350°C). La glaçure peut être colorée avec des oxydes métalliques. Les principaux sont l'oxyde de cuivre (qui donne des couleurs vertes, bleu turquoise, ou même rouge, selon les conditions de cuisson), l'oxyde de cobalt (bleu plus ou moins vif), l'oxyde de fer (rouge). D'autres couleurs sont obtenues grâce à l'or (rose), le titane (jaune) ou le manganèse (violet). Un grand classique de la céramique émaillée à haute température est le céladon. Ces oxydes métalliques, sous l’effet de la chaleur, se libèrent sous forme gazeuse et forment des bulles à la surface de l’objet en céramique. Au refroidissement, ces bulles s’oxydent et prennent des teintes et motifs variés et aléatoires, ce qui fait que chaque pièce de céramique vitrifiée est unique.
L’engobe est un revêtement fin d'argile, cru ou mélangé à des colorants, appliqué sur le corps de l’objet, pour en masquer les imperfections ou servir de fond à un décor peint. La grande différence avec l’émail est qu’il contient beaucoup plus d'argile dans sa composition, ce qui le rend plus opaque.
La couverte est également une matière vitrifiable, destinée à enrober grès et porcelaines. On l'obtient à partir du feldspath mêlé à des cendres végétales (potasse). Tout comme la glaçure, la couverte peut être colorée par des oxydes métalliques. Les motifs que l’on retrouve dans ces couvertures sont le résultat de plusieurs paramètres : température de cuisson, dosage des éventuels oxydes métalliques et bien sûr savoir-faire des artisans-céramistes.
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Voici quelques motifs courants que l’on retrouve dans la céramique chinoise :
- « Sang de boeuf » ou « rouge de cuivre ». C’est l’une des finitions les plus difficiles à obtenir : elle a été entourée de mystère pendant des siècles. L’émail est d’un beau rouge profond à teinte légèrement brune et ne peut être obtenu qu’au prix d’une cuisson sans oxygène, atmosphère indispensable à l’apparition de cette couleur.
- « Fourrure de lièvre ». L’émail est moucheté de couleur plus claire que le fond de la céramique, généralement dans des tons sombres (du noir au bleu nuit, en passant par le marron). L’effet évoque le pelage de cet animal.
- « Oeil de perdrix ». L’émail est luisant, brun foncé ou noir avec de délicates tâches assez circulaires, généralement d’un brun doré.
- « Plumes de perdrix ». Ce sont les mêmes couleurs mais avec un motif de lignes.
- « Tâches d’huile ». Le fond noir de la céramique est parsemé de tâches brunes ou rouille circulaires, avec un effet métallescent ou irisé.
La porcelaine chinoise est bien entendu le type de céramique le plus célèbre, par sa finesse et sa blancheur. Son invention remonte à la dynastie des Han de l'est (vers 25 à 220 après J.-C.). Des récipients à thé datant de cette période ont été retrouvés, mais c'est sous les dynasties suivantes Tang (618 - 907) et plus encore Song (960 - 1279) que cette technique se développa particulièrement autour des arts du thé.
Jingdezhen, située dans le Nord-est de la province du Jiangxi, en est le berceau originel et demeure pour le monde entier la capitale de la porcelaine. Réputée pour ses fours gigantesques, dont les premières mentions remontent au VIIe siècle après J.-C., la ville est entièrement tournée vers la production d’objets en céramique. La proximité d’importantes carrières de kaolin lui a permis d’asseoir sa primauté sur la fabrication de la porcelaine. De plus, des innovations importantes au niveau des fours de cuisson permirent d’atteindre une translucidité et un éclat d’une telle perfection que Jingdezhen fut désignée en 1393 comme siège de l’administration impériale de la porcelaine. Encerclée par deux rivières, la ville bénéficie d’un réseau fluvial qui favorisa le développement de son commerce. Les bateaux chargés de poteries remontaient le plus grand fleuve du pays, le Quin Yin. Parce qu’elles passaient par la ville de Nankin, sur le trajet de Shanghai, les pièces finies ont été parfois sommairement baptisées « porcelaine de Nankin ». C’est sans doute la raison pour laquelle ce terme est plus connu en Europe que « porcelaine de Jingdezhen ». Aujourd’hui, une quinzaine d’usines de fabrication de porcelaine, une université de la céramique ainsi que plusieurs milliers d’artisans témoignent encore de la vivacité de ce secteur dans l’économie de Jingdezhen.
Concernant les grès, l’époque Song est marquée par l’invention des céladons, fabriqués principalement à Longshan dans la province du Zhejiang. Ce sont des céramiques lourdes, parfois décorées, recouvertes d'un émail lisse ou craquelé, remarquable par l’uniformité de sa couleur. Ceux-ci vont du vert bleuté (le fameux « vert céladon ») au gris. La finesse et l’impression de « profondeur » de ces couleurs sont dues à l'application minutieuse de plusieurs couches d’émail superposées. De l’époque Song datent aussi les premiers grès de Yi Xing appelés « grès nus » car ils n’ont ni couverte ni glaçure.
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Yi Xing est une ville chinoise située au sud de la province de Jiangsu à 3 heures de train de Shanghai. Elle est, aujourd’hui encore, réputée pour sa terre exceptionnelle, que les Chinois appellent communément « argile violette » à cause de la couleur brun violacé qu'elle prend à la cuisson. 70% de l'activité économique de la ville est liée à l'exploitation et la transformation de cette terre, notamment en théières. C'est plus spécifiquement sous la dynastie des Ming (1368-1644), que les Chinois ont commencé à utiliser cette terre pour fabriquer des théières, en même temps que se diffusait la pratique du thé infusé. Les théières ont toujours inspiré les plus grands artistes et sont en quelque sorte la vitrine du savoir-faire des potiers de Yi Xing. Elles étaient à l'origine toutes de grande taille (1 litre environ) mais l’on se rendit compte que de petites théières conservaient et exprimaient mieux les arômes du thé : c'est pourquoi aux côtés des grandes théières traditionnelles (plutôt vendues à l’exportation) nombre de théières de Yi Xing ne contiennent souvent que l'équivalent d'une ou deux tasses de thé et sont adaptées au Gong Fu Cha chinois.
La terre de Yi Xing a un taux de fer et de silicium particulièrement élevé, ce qui lui donne des propriétés très intéressantes et la rend nettement supérieure aux autres terres pour obtenir une bonne théière. D'une part, elle se contracte très peu, ce qui évite la déformation des objets pendant la cuisson et permet de façonner des théières aux formes maîtrisées. D'autre part, sa porosité est très grande, ce qui est excellent pour l'oxygénation du thé et permet aux arômes de s'exprimer mieux que dans tout autre récipient. Enfin, la terre de Yi Xing, contrairement à la plupart des argiles, n'est pas granuleuse et, par conséquent, elle véhicule la chaleur moins rapidement que les autres terres : une théière de Yi Xing brûlera moins les mains et ne craquera pas en passant du froid au chaud.